Justice: quand Sarkozy avoue à quoi servent vraiment les jurés citoyens.

Publié le par maligorn gouez

Justice:

quand Sarkozy avoue

à quoi servent vraiment

les jurés citoyens.



 

Le problème des voeux présidentiels à quelques semaines d'un scrutin également présidentiel est que l'exercice tourne rapidement au bilan. Même quand le principal intéressé s'y refuse.

Jeudi 26 janvier, le Monarque est allé à Dijon, délivrer ses voeux au monde de la justice dans l'enceinte de Cour d'appel de Dijon. Le choix du lieu n'était pas anodin. Ce tribunal est l'un des deux qui expérimente l'introduction de jurés populaires depuis le 1er janvier 2012. C'était l'une des dernières « réformes » de Nicolas Sarkozy.

Depuis 2007, la justice a beaucoup souffert. Et pourtant, ce jeudi, Nicolas Sarkozy osa se féliciter de son action.

Jurés populaires, la défense...
A Dijon, Nicolas Sarkozy voulait donc évoquer « l'ouverture progressive de la justice à la participation des citoyens ». La totalité de son discours de voeux fut consacrée à la chose, une micro-réforme, une de plus, qu'il s'évertue à sur-vendre comme s'il avait révolutionné l'institution.

Rappelons le paradoxe: la justice manque déjà de moyens, mais la voici davantage engorgée avec des procédures plus longues et des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels et les jugements de libération conditionnelle. Faute d'argent, le dispositif ne fut déployé que dans ... deux tribunaux (Dijon et Toulouse), une « expérimentation » nous a-t-on dit pour masquer la pénurie. « La présence de citoyens implique inévitablement un allongement des délais d'audience » reconnaîtra-t-il plus tard. Mais il a la parade: « C'est pourquoi, avec le Garde des Sceaux, nous avons voulu limiter cette participation au jugement des violences les plus graves, afin de ne pas surcharger la justice correctionnelle

« Est-il inutile de vouloir refonder le lien de confiance entre les Français et leur justice ? Qui oserait dire que cette question ne se pose pas, que tout va bien ? que les magistrats ne s'interrogent pas sur leur métier et que les citoyens ne s'interrogent pas sur leur justice ? » s'est-il exclamé. Personne ne dit le contraire.

Mais qui oserait dire que Nicolas Sarkozy a suffisamment oeuvré pour améliorer l'institution judiciaire depuis 2007 ? Il se félicite, comme son Garde des Sceaux Michel Mercier, d'une progression de 19% du budget de l'institution depuis 2007, soit 1,1 milliard d'euros. En fait, cette « progression », spectaculaire en période de crise, est due aux constructions de prison. Si l'on retranche ces investissements immobiliers (respectivement 889 millions d'euros en 2007, et 1,86 milliard pour 2012, le budget de fonctionnement de la justice n'a progressé que d'un maigre 2% en 5 ans !

... et l'artifice
Il y avait une autre avancée démocratique à portée de mains de Nicolas Sarkozy: en mars 2007, juste avant son élection, le parlement avait voté l'introduction de la collégialité de l'instruction. Pour de simples et misérables raisons d'économies, le gouvernement Sarkozy recula à deux reprises l'entrée en vigueur de cette réforme, née du traumatisme de l'affaire Outreau: au 1er janvier 2011 puis au 1er janvier ... 2014.

D'Outreau et de cet enterrement de première classe de la réforme, il ne fut point question ce jeudi dans l'allocution du Monarque. Non, ce dernier préféra être lyrique sur ses jurés populaires:

« Cette évolution ne fait que poursuivre le mouvement de démocratisation de la justice engagé dès l'avènement de la République dans notre pays. Depuis plus de deux siècles, les Français participent au jugement des infractions les plus graves que sont les crimes, en siégeant dans les jurys des cours d'assises. » 

Au passage, il livra quelques idées sur les « questions essentielles » que pose la justice pénale, selon lui. Puisqu'il est si proche des Français à force de déplacements de terrain toutes les semaines, il connaît leurs attentes: «Que dit le peuple français ? Il demande une plus grande sévérité ». Vraiment ? L'échec sarkozyen en matière de lutte contre l'insécurité méritait meilleure analyse que cette attaque sournoise contre un prétendu laxisme de la justice.

La manoeuvre était trop évidente: « Vous le savez tous ici, le verdict d'un jury citoyen est incontestablement marqué d'un sceau qui inspire le plus profond respect à nos concitoyens.  ». Et oui, tout était dit, avoué. Introduire des jurés citoyens le plus largement possible dans les jugements correctionnels ne visaient à mieux rendre la justice, mais à s'épargner toute contestation des décisions de cette dernière. Plutôt que de renforcer l'institution de moyens humains (juges, greffiers, etc), le Monarque avait trouvé sa diversion et nous l'avouait ce jeudi.

Période électorale oblige, Nicolas Sarkozy voulait aussi câliner une institution qu'il avait soigneusement, régulièrement, en public et en coulisses maltraité: « Je l'ai dit à de nombreuses reprises, je veux le répéter devant vous avec force, les magistrats sont des femmes et des hommes compétents, travailleurs, honnêtes. Ils ont toute ma confiance, ma considération et mon estime ». On se souvient de ses nombreuses prises à partie de magistrats ou de tribunaux.

Il s'étendit peu sur l'indépendance de la justice. « On me disait : plutôt que de créer les citoyens assesseurs, préoccupez-vous de donner plus d'indépendance à la justice. » Et d'ajouter : « La justice est totalement et complètement indépendante, j'ai veillé à ce qu'il en soit ainsi. La révision constitutionnelle de 2008 a donné une autonomie totale au Conseil supérieur de la magistrature. » On s'est pincé. On s'est souvenu de ces instructions judiciaires freinées voire bloquées par le sommet de l'Etat: Karachi, Bettencourt, Woerth, les biens mal acquis...

« Je suis le chef de l'État qui a mis un terme à soixante-cinq années de présidence, par le président de la République, de l'instance la plus importante de la magistrature ! »

On s'est encore pincé.

Il y a moins de 2 mois, début décembre, 126 des 163 procureurs que comptent le pays ont signé un appel sans précédent. Ils réclamaient, en « urgence », « la restauration de l’image de leur fonction, gravement altérée auprès de nos concitoyens par le soupçon de leur dépendance à l’égard du pouvoir exécutif.» Que se passait-il ? La quasi-totalité des procureurs du pays, sauf l'ami du Président - Philippe Courroye - se plaignaient des « moyens très insuffisants mis à la disposition des parquets pour l’exercice de leurs missions, dont le périmètre n’a cessé de croître ». Ils réclamaient « la mise à niveau de leur statut, par un renforcement des pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature pour leur nomination et le contrôle de l’exercice de leurs fonctions, afin de répondre aux nécessités d’une justice impartiale, et de permettre d’établir la confiance des citoyens. » Tiens donc... Ces procureurs, dont Nicolas Sarkozy s'enorgueillissait, ce jeudi à Dijon, de leur avoir donner toute l'indépendance nécessaire, se plaignaient justement de leur manque d'indépendance.

Nicolas Sarkozy n'eut pas un mot en revanche sur les vraies polémiques du moment, cette quarantaine d'autres scandales de la République irréprochable...

Il lui restait aussi à promettre 20.000 places de prison supplémentaires: « Il faut dire les choses comme elles sont, la France a besoin de 80 000 places de détention. Avec aujourd'hui 68 000 détenus et 60 000 places, l'institution ne peut pas fonctionner normalement et la création de ces 20 000 places de détention supplémentaires est une priorité ». Les prisons sont surpeuplées. Les peines plancher, votées dans l'urgence et l'euphorie de l'été 2007 n'ont fait qu'aggraver la situation.

Nicolas Sarkozy le découvre bien tard, à 85 jours de la fin de son mandat...

Ce jeudi, l'exercice d'autosatisfaction tourna à vide.

 

 

http://sarkofrance.blogspot.com/2012/01/justice-quand-sarkozy-avoue-quoi.html

 

 

 

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Publié dans ANTI-SARKO

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